Pour l’Europe – Un Profil dans La Formation Professionelle
Günther Weydt |
Supprimer les barrières n’est pas tout; il faut organiser la coopération. Celle-ci suppose avant tout la multiplicité des contacts personnels; échanges et stages, congrès et voyages d’études, expositions, tournées, rencontres de jeunes manuels et intellectuels.
Robert Schuman, Pour l’Europe, 1963, chapitre II, p.30
Lorsqu’en juillet 2000, j’ai été chargé de la mise en oeuvre et de la direction de Centre Européen de Formation Professionelle (Euro CFP) alors en construction dans la ville de Bitburg, je ne connaissais pas le texte avec les pensées de Robert Schumann. Cependant on peut considérer ces pensées comme une idée directrice visant à donner un profil autonome à ce centre de formation professionnelle à vocation suprarégionale situé à proximité de la frontière avec le Luxembourg, la Belgique et la France.
Contrairement aux „intellectuels“ des universités et des Hautes Écoles, qui ont toujours cherché et entretenu des échanges transfrontaliers, les „travailleurs manuels“ n’avaient jusqu’il y a peu pratiquement pas cette possibilité – à l’exception de la valse traditionnelle de quelques corporations.
Ces idées devront être popularisées par l’école et par la presse; elles ne sont le monopole d’aucun parti. On ne saurait trop le répéter: L’unité de l’Europe ne se fera ni uniquement ni principalement par des institutions européennes; leur création suivra le cheminement des esprits.
Robert Schuman, Pour l’Europe, 1963, p. 48
Cela est d’autant plus vrai pour le groupe-ciblé des centres de formation professionnelle en tant que centres de formation particuliers de (ré)habilitation des jeunes dans le cadre de la formation professionnelle initiale selon la loi sur la formation professionelle allemande.
Le „Traité de Maastricht“ avec la libre circulation non seulement des marchandises et de l’argent, mais aussi des travailleurs, „l’Accord de Schengen“ avec la suppression des contrôles aux frontières et – du point de vue allemand – le „Traité deux plus quatre“ pour la réunification allemande ont créé dans les années 90 un climat pro-européen dans les régions frontalières de Rhénanie-Palatinat, dans lequel et grâce auquel une coopération transfrontalière a été recherchée de manière ciblée.
Ainsi, la création d’un autre centre de formation professionnelle en Rhénanie-Palatinat sur le site de Bitburg a donné un nouvel élan infrastructurel à la région après la fermeture de l’aéroport militaire américain dès 1995. Cette décision était la conséquence logique du traité d’unification mentionné ci-dessus, qui a mis fin au rôle particulier des alliés en Allemagne d’après-guerre et a entraîné le retrait des troupes alliées.
En coordination avec les autorités compétentes du Luxembourg, de la Wallonie et de la Communauté germanophone de Belgique, il a été possible en 1997 d’établir et de signer une déclaration d’intention commune pour la coopération en matière de construction, d’utilisation et de développement de ce centre de formation professionnelle et de mettre en place un comité consultatif multinational.
Cette approche était et reste visionnaire dans la mesure où la culture et l’éducation ne sont pas du ressort de l’Union européenne, mais de celui des États nationaux. Mais si l‘on veut promouvoir la libre circulation des personnes dans le choix des emplois au-delà des frontières, cela présuppose entre autres l´équivalence des diplômes professionnels au niveau européen. Par analogie au „processus de Bologne“ promu dans les années 90 pour créer un espace universitaire unique, le „processus de Bruges-Copenhague“ a lui été promu en 2001/2. Les ministres de l’éducation des États membres de l’UE se sont volontairement (!) mis d’accord sur un cadre européen des qualifications (CEQ). D’autres mesures permettent de comparer et de reconnaître mutuellement les diplômes professionnels des États nationaux.
La barrière linguistique – sur le site de Bitburg, il s’agit du français en direction de la Wallonie et de la France, et de l’allemand vice-versa – a limité l’utilisation de ce centre de formation par les apprentis étrangers, tout comme les restrictions nationales encore existantes concernant le financement de la formation à l’étranger. Néanmoins, les apprentis étrangers, en particulier ceux du Luxembourg et de la Communauté germanophone de Belgique, ont élargi la vie sur le campus et les points de vue des apprentis et du personnel.
Les stages en entreprise de plusieurs semaines qu‘effectuent les apprentis, habituels dans les centres de formation professionnelle, ont été et sont encore pratiqués sur le site de Bitburg pour des phases d’apprentissage au Luxembourg ou en Belgique, mais aussi – en fonction des différents métiers – dans tous les autres pays de l’Union Européenne. Ainsi, en Espagne un stage à l’étranger est-il presque „obligatoire“ pour les futurs commerciaux du tourisme et un stage en Irlande ou en Angleterre est très utile pour les futurs informaticiens spécialisés afin d’acquérir des compétences professionnelles.
Entre-temps, un large réseau de partenaires institutionnels et d’entreprises a été constitué. Ceci permet à l’Euro-CFP de se démarquer en offrant à chaque apprenti la possibilité d’effectuer un stage à l’étranger. Les subventions de l’UE dans le cadre du programme Erasmus plus et la reconnaissance de l’établissement par l’Agence nationale de l’Institut fédéral de la formation professionnelle permettent de simplifier les démarches administratives, y contribuent également – non seulement pour les apprentis, mais aussi pour les formateurs, les enseignants, les éducateurs et les autres personnels d’encadrement. Ceux-ci doivent prendre connaissance des différences nationales de formation dans le but d’apprendre les uns des autres et de motiver les apprentis.
Les centres de formation professionnelle (CFP) ne peuvent et ne doivent remplir leur mission éducative qu’en s’appuyant sur les deux piliers de la formation par alternance, à savoir: L’enseignement professionelle pratiqué dans les ateliers ou les bureaux d’apprentissage d’une part et d’autre part l’enseignement professionnelle à l’école professionelle, sous le toit du CFP. Un accompagnement socio-pédagogique, psychologique et des services spécialisés pourront être mis à leur disposition. En complément des accompagnateurs de groupe dans les internats et les externats pourront apporter leur soutien dans ces lieux de sociabilité. C’est à la fois un défi et une chance: Un défi parce que les différents groupes professionnels doivent s’appropier un langage commun et une vision commune – une chance car il est ainsi possible de tenir compte individuellement des besoins de soutien très différents des apprentis.
Contrairement à la formation en entreprise, l’école professionnelle intégrée et reconnue par l’État, qui est également l’Ecole Européenne du Land de Rhénanie-Palatinat, a la possibilité d‘imprégner systématiquement “un profil européen“ aux différents lieux d’apprentissage. Elle peut aborder régulièrement des sujets sur l‘Europe dans ses cours, organiser des excursions, des voyages de fin d’année et des partenariats scolaires. Elle peut profiter de la semaine de l’Europe qui a lieu chaque année autour du 9 mai pour organiser dans le domaine des loisirs, des excursions transfrontalières et des camps d’été. Dans le domaine de la cuisine et de l‘économie domestique, elle pourra expliquer les origines culturelles de nos menus – désormais devenus internationaux.
Après plus de 20 ans d‘existence et de pratique, plus de 1.000 formations professionnelles reconnues, ce centre a certainement contribué à l’organisation de la coopération dans l’esprit de R. Schuman. Il a, en outre, créé des structures de travail solides qui peuvent cependant toujours être améliorées. Il n’en reste pas moins que ce niveau doit sans cesse être rehaussé par les partenaires.
Le profil européen est un „plus“ qui se reflète également dans le dossier de candidature des apprentis par des certificats Erasmus ou des qualifications supplémentaires reconnues à l’échelle européenne. Ces efforts ne sont pas rémunérés par l’administration compétente. Si, par exemple, une politique linguistique nationale conduit à ce que la langue du voisin ne soit plus enseignée, cela a également des répercussions négatives sur la réalisation de projets d’échange scolaire. Et si, en cas de Brexit, les participations aux programmes d’échange de l’UE sont volontairement refusées, les réseaux établis en Grande-Bretagne s’effondreront. Il reste donc à espérer que la célébration du 60e anniversaire du „Traité de l’Élysée“ rappellera les idées initiales des rencontres franco-allemandes de jeunes et suscitera de nouveaux efforts mutuels, y compris dans le domaine de la formation professionnelle transfrontalière.
Günther Weydt
Diplomé en sciences sociales, né en 1952 à Mülheim an der Ruhr. De 2000 à 2018, directeur du CFP à Bitburg, réseau européeen à travers de nombreux projets tranfrontaliers, entre autres aussi dans le groupe de travail regio-factum sur la Grande Région – entre autres série d’interviews “Pionniers européens“ pour le regiofactum notizblog: Schumanistes, Karl Heinz Lambert.
Transposition:
Michael Iba et Micheline Lottermoser, im April 2023
MERCI !!